It's my world...

Cela fait trois ans aujourd’hui. Trois ans pile depuis cette horrible soirée, celle où tout a dégénéré.
En même temps, tout était déjà dégénéré… Une mère qui trompe son mari à force d’être délaissée, ledit mari qui se met à boire à cause de ça sans comprendre que par là il ne fait qu’augmenter l’envie de sa femme d’aller voir ailleurs. Et, au beau milieu de tout ce merdier, une gosse. Une gosse qui n’en finit plus de se refermer sur elle-même, plus mal dans sa peau de jour en jour. Une fosse qui n’a plus l’impression d’exister parmi les engueulades récurrentes de ses parents. Une gosse qui se dévergonde à vitesse grand V, enchaînant connerie sur connerie, finissant bourrée et droguée jusqu’à la moelle chaque samedi soir, avant d’aller vomir ses tripes dans un chiotte, une poubelle ou même un buisson du jardin, et ce dans l’indifférence générale. Une gosse qui ne se sent bien que lorsque ses tympans sont malmenés par des doses inimaginables de décibels en cascade.
Moi, à l’époque.
Cette fameuse nuit, cette terrible nuit, il l’a frappée. Elle est partie. Elle s’est tirée pour de bon, le visage trempé de larmes, la coiffure en vrac et la lèvre inférieure en sang. Apparemment, elle a trouvé de quoi éviter de ruminer seule sur ce qui s’était passé, puisqu’une bagnole gris métallisé conduite par un grand type brun l’a accueillie les bras ouverts dès qu’elle est sortie de l’immeuble. Moi, je n’ai pas eu le temps de trouver du secours. À peine avais-je vu ma mère traverser la rue pour rejoindre ce mec, observant par la fenêtre sans savoir ce qui se passait exactement, qu’il est entré, avec dans les yeux le regard fou et brillant que je lui connaissais lorsqu’il était sous l’emprise du whisky. Sauf que cette fois, c’était pire. Avant que j’aie pu avoir la moindre réaction, il était sur moi. Je ne peux toujours pas décrire ses gestes, ses « baisers », trop appuyés et baveux, la façon dont ses mains cherchaient à défaire la braguette de mon jean, et toutes ces choses qui me donnent la nausée encore aujourd’hui. J’ai reculé, cherchant à lui échapper, ne pouvant lutter contre lui tant nos forces étaient inégales. J’ai reculé jusqu’à heurter mon bureau. Mes mains en ont parcouru la surface, l’une d’elles s’est refermée sur le manche d’un objet longiligne.
Un cutter.
Je n’ai pas réfléchi. J’ai frappé. De toutes mes forces et ce jusqu’à ce qu’il me lâche, qu’il s’écroule, j’ai frappé. Alors est venu le silence, horriblement lourd, pesant, tandis que je découvrais ce que j’avais fait dans toute sa monstruosité.
J’ai fui. Au hasard des rues familières et scintillantes de pluie, j’ai couru, la peur au ventre. Enfin, je me suis arrêtée sur un parking désert et faiblement éclairé. En sueur, je tremblais comme une feuille et suis restée longtemps là, accroupie dans l’ombre d’un muret, à pleurer toutes les larmes de mon corps. Jusqu’à ce que…

« Mais que vois-je ? Une jeune vierge suant la peur, et couverte de sang ? Tout ceci me semble ma foi fort… appétissant. »

Je hurlai, mais il était trop tard. Une poigne surhumaine me fit courber l’échine, une main glaciale dégagea les cheveux de mon cou, et je sentis quelque chose de froid et bouillé parcourir ma peau, déclenchant en moi des frissons de dégoût. Mon cœur battait à tout rompre, la peur me donnait envie de vomir. Puis ce fut la douleur, insupportable, suivie de cette sensation de voir ma vie s’échapper sans pouvoir rien faire. Une souffrance infernale s’était répandue dans tout mon corps comme une traînée de poudre, alors que l’engourdissement le gagnait déjà.
Ce n’est que d’une façon très lointaine, comme si je me trouvais au fond d’une piscine, que je perçus cette conversation :

« Arrête immédiatement !
- Putain, tu vois pas que je suis occupé ?
- Tu ne le sera bientôt plus. Arrête ça. Je t’interdis de te nourrir d’elle. »

J’eus la sensation qu’on me lâchait, et tombais au sol lourdement. Je n’avais pas la force de bouger, alors que la sensation de brûler de l’intérieur me torturait littéralement.

« Ah ouais ? Et de quel droit tu me l’interdis ?
- Du droit que tu es ici sur mon territoire de chasse, et que je te transforme en charpie si tu ne la lâches pas immédiatement. »

Je ne me souviens plus de la suite, enchaînement confus de cris sans queue ni tête dans mon esprit. La douleur me submergeait, et je ne pouvais penser à rien d’autre. Cela dura longtemps, trop longtemps. Une souffrance que je croyais infinie. Mais elle prit fin, contre toute attente. Et lorsque j’en sortis, je n’étais pas morte, contrairement à ce que je croyais. Du moins pas tout à fait. J’étais juste… différente.

More of me...

Qu’ils aillent tous se faire foutre.

Je ne suis pas comme vous, donc vous ne m’aimez pas. Très bien. Je me fous de ce que vous pensez de moi, et je ne vous aime pas non plus. Ainsi, tout est dit.


Ouais, je sais que j’ai une jolie voix. Maintenant, tire-toi de mon chemin.


Si vous aimez ma musique, tant mieux pour vous. Si ce n’est pas le cas, peu importe. C’est pour moi que je chante, pas pour une bande d’imbéciles croyant qu’ils s’y connaissent parce qu’ils ont le sentiment d’être branchés. Pour ça, je préfère les boîtes vampiriques, comme celles où j’ai commencé. C’est l’anarchie complète. J’adore.


Putain, qu’est-ce que je fous ici ? Ils ont tous l’air con, ma parole…


C’est pas une soudaine envie de faire des études qui m’a poussée à venir dans cette université pourrie. C’est qu’il me faut bien une piaule pour foutre tout mon barda de grattes, CDs, amplis, synthés, partoches et tout le bordel. Et comme j’ai toujours la gueule d’une môme de dix-sept ans, même si je fais un peu plus adulte, y a pas grand-monde qui voudrait me louer un appart’ sans poser de question. Alors bon, une chambre d’étudiante, sous une fausse identité, pourquoi pas. Quand je m’ennuie, je vais en cours, histoire de pas me faire virer. Sinon, je joue de la gratte dans le parc. Et ceux qui viennent me voir en me disant qu’ils aiment mes chansons, je les envoie chier. Tous des cons.


Putain, Sunny.

C’est la merde, comme prénom, quand on préfère vivre la nuit, dans l’obscurité d’une salle de concert, qu’on s’habille exclusivement de noir, qu’on incarne la mort, et qu’on traîne un mal de vivre comme le plus gigantesque boulet qui ait existé ? En plus, dans tous les films, Sunny, c'ets un nom de pute. Fait chier.
C’est pour ça que je me suis choisi Temnota, comme nom, sur mes faux papiers. Ca veut dire obscurité. Et puis, comme c’est Russe, ça me rapproche de mes origines, côté maternel. Par conséquent, ça m’éloigne de ce connard qui disait être mon père. Et le vrai nom, celui de cet enfoiré, je l’oublie. C’est pas moi. Lui, mais pas moi. Et vive les cutters.

Me regarde pas de travers, toi. Tu décrocheras pas un mot, juste un regard noir. Peut-être que mes yeux le sont pas, avec leur gris si clair qu’on les croirait transparents. Mais l’intention y est. J’ai les yeux revolver, comme dirait l’autre. Le regard qui tue. Fais gaffe, t’as l’air d’avoir bon goût.


Allez tous vous faire foutre.

Un peu sur vous.

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